retour au menu Qu'est-ce que la monnaie ?

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« Où il sera aussi expliqué que la différence entre vraie et fausse monnaie n'est pas celle qu'on croit ... ce qui permet de comprendre ce qu'est la (vraie) monnaie ...»
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Nous utilisons tous les jours de la monnaie, pour acheter tout ce dont nous avons besoin pour vivre ou nous faire plaisir. Nous la gagnons à la sueur de notre front. Elle fait partie de notre environnement quotidien. Elle détermine la qualité de notre vie.

Mais ?

C'est quoi la monnaie ?

De fait la monnaie c'est pas seulement des pièces ou des billets, puisque nous pouvons aussi payer avec une carte bancaire ou un chèque, et que les salaires sont seulement « inscrits » sur notre compte à la banque.

Pièces, billets, chèques, cartes de crédit, ou écritures ne sont que des supports, des formes, mais ils ne sauraient se confondre avec la monnaie.

Pour comprendre prenons un exemple simple :

Un agriculteur a besoin d'une charrue tout de suite et un forgeron qui peut la lui fabriquer a besoin de vin mais plus tard. Pour réaliser l'échange, il leur faut mesurer et comparer la valeur de la charrue à celle d'une certaine quantité de vin, puis garder la trace, la mémoire, de cette valeur, enfin, plus tard, quand le vin est remis au forgeron, il faut « effacer l'ardoise ».

Et bien c'est ça la monnaie, et ça n'est rien d'autre.

C'est un outil de mesure et un témoin.

La monnaie n'a aucune valeur en elle même, sauf le pouvoir qu'on consent collectivement à lui donner d'être échangée à volonté contre n'importe quoi, d'une valeur équivalent à sa mesure.

Faire comprendre cette affaire n'est pas aisé, tant nous sommes conditionnés à associer monnaie, richesse, trésor, et convoitise. Les dessins animés de notre enfance ne représentent-ils pas la convoitise par des $ ou des Louis d'Or qui apparaissent dans les yeux des personnages ? - C'est bien la preuve que ça a beaucoup de valeur non ? !!!

Et bien non ! La monnaie n'a aucune valeur, elle n'est qu'un instrument de mesure, et le témoin d'une dette. Elle a une valeur fictive, virtuelle. La vraie valeur est dans les richesses réelles.

Encore de nos jours, où un bout de papier ne représente de toute évidence pas grand chose, est-il éventuellement possible d'admettre qu'un billet ne vaut rien. Pourtant c'était également vrai lorsque la monnaie était faite de pièces d'or !

Là je vois bien qu'il y a des septiques ...

Pourtant, c'est le fait d'avoir été utilisé comme monnaie universelle qui a donné sa valeur à ce simple métal jaune, ... et non l'inverse....

Adressons nous aux plus septiques :

Le Chef Gaulois

L'histoire se passe dans les Alpes en 180 avant J.C. C'est l'histoire d'un chef gaulois riche et puissant, qui possède un stock d'or assez considérable. Bon. Mais un stock d'or qu'en faire ? - Des tas de bijoux pour briller au soleil ? - Non. Notre chef a un meilleur projet. Avec son stock d'or il fait ce que d'autres chefs avant lui ont imaginé quelques siècles avant lui en Asie Mineure. Il fabrique des pièces et disperse ainsi son trésor sur tout son territoire en échange de toutes sortes de biens et de services. Comment ? - Simplement en convainquant ses voisins qu'ils pourront faire la même chose avec les pièces remises.

Vous auriez fait ça vous, à la même époque, avec un stock d'or ? - Vous l'auriez dispersé sous forme de pièces ?

Ce chef avait compris que ce faisant il pouvait échanger une richesse virtuelle contre des richesses réelles, puis, profitant de la position dominante acquise, rééchanger ses richesses contre de la monnaie circulante, avec un bénéfice au passage, et ainsi de suite.

Il avait compris qu'un stock d'or ne vaut rien et ne peut en aucun cas augmenter la richesse de celui qui le possède. Par contre, sous forme de monnaie ...

Le troc peut suffire, et a longtemps suffit, pour des échanges simples entre des agents économiques peu nombreux. Mais lorsque les échanges deviennent plus complexes, l'usage d'une « mesure-commune-témoin » s'impose.

Et ce nouvel outil s'impose d'autant qu'il permet, comme par magie, d'accroître les richesses, et ce de plusieurs manières.

Dans un troc, si l'échange n'est pas équitable, on dira que l'un s'est fait avoir, et que l'autre a bien su négocier. Cela ne peut être que l'exception. Par contre dans un échange au moyen de monnaie, vendre plus cher que le prix d'achat fait partie du jeu. C'est la règle. Et ainsi on peut augmenter ses capacités à acquérir des richesses réelles. Voilà une première propriété lucrative de la monnaie.

Mais plus fort encore si on considère un réseau d'échange plus étendu.

Attention tout de même à ne pas perdre de vue que la monnaie ne vaut rien et que ce n'est qu'un étalon, une mesure standard, une unité de compte, et rien d'autre. Vous n'êtes pas convaincus ?

Alors considérons 10 commerçants :

Les 10 commerçants

Cette histoire est racontée par Philippe DERUDDER in « Rendre la création monétaire à la Société Civile » ; pp 47-48 ; Ed Yves Michel ; 2005. Elle est tirée des Cours d'Ecosophie de Jacques DARTAN et Michel TAVERNIER.

« Dans une petite ville, 10 commerçants vivaient en bonne intelligence. Tous réalisaient un bénéfice de 25% sur chaque vente. Un beau matin, l'un d'eux reçoit la visite d'un client de belle prestance qui lui achète un objet de 200Ä contre deux beaux billets de 100Ä tout neufs. Heureux de cette aubaine, notre commerçant décide d'acquérir un objet de même valeur, qu'il convoitait depuis longtemps chez son voisin sans pouvoir l'acheter ; il lui remet les deux billets. Le deuxième commerçant en use de même avec le troisième ; et ainsi de suite jusqu'au dixième. Bonne journée pour tous. Ils ont réalisé, chacun un honnête gain de 50Ä. Hélas le lendemain, il faut déchanter, les billets étaient faux. Nos neuf commerçants, mus par un sentiment de solidarité, s'accordent pour verser au dernier 40% de leur bénéfice, soit : 50Ä * 40% * 9 = 180Ä. Ainsi reste-t-il à chacun un bénéfice de 30Ä issu des deux faux billets. Du point de vue comptable, l'opération est impeccable. Tout le monde est satisfait, le percepteur et les volés presqu'autant que le voleur. »

Intrigant n'est-ce pas ? ... Encore quelques autres remarques méritent-elles le voyage ...

Première remarque : L'histoire dit que grâce à ces faux billets les commerçants ont pu s'offrir des objets qu'ils convoitaient mais qu'ils ne pouvaient acheter. Il est exact que dans un système d'échange où le troc n'est plus utilisé, et où la monnaie est devenue le seul moyen d'échanger, lorsque celle-ci manque, tout est bloqué. On peut regretter que ces commerçants n'aient pas su contourner l'obstacle.

Encore que leur incapacité à le contourner révèle peut-être qu'ils convoitaient finalement plus un éventuel bénéfice de 50Ä en monnaie plutôt qu'un objet réel de 200Ä ...

Seconde remarque : Qu'ils aient été solidaires du malheureux qui a reconnu les deux faux billets est certainement sympa pour ce dixième commerçant, mais en réalité nous verrons qu'ils auraient aussi pu ou dû le lyncher.

Calculons le gain réalisé collectivement.

Gain réalisé par les 10 commerçants = 30Ä * 10 = 300Ä !

Ou, par un autre calcul : (50Ä * 9) – 150Ä = 300Ä

Et oui ! .... Avec 200Ä en faux billets on peut réaliser 300Ä de bénéfices en vraie monnaie ! Soit 30Ä par commerçant.

Les 1000 commerçants

Et maintenant imaginons que la chaîne ait été bien plus longue, et que ce soit le millième commerçant qui ait découvert les faux billets.

Gain réalisé par les 1000 commerçants = (50Ä * 999) – 150 = 49800Ä ! ! !

Soit 49,80Ä par commerçant.

Que nous dit ce calcul ?

Nous avons dit qu'avec de la « vraie » monnaie, les commerçants réalisent un bénéfice de 25% sur chaque vente (50Ä sur 200Ä). Nous observons qu'avec de la fausse monnaie, si on laisse circuler cette monnaie à l'infini, on obtient exactement le même résultat (à une différence infinitésimale près). Par contre plus la fausse monnaie est rapidement retirée des échanges, plus le manque à gagner, voire la perte est importante : 150Ä de perte si les faux billets sont retirés par le premier commerçant ; 20Ä de manque à gagner pour chacun au bout de 10 échanges ; 0,20Ä de manque à gagner pour chacun après 1000 échanges, etc...

Le dixième commerçant aurait donc été mieux inspiré, dans l'intérêt de tous de ne rien dire, puisqu'il a fait perdre 20Ä à tout le monde. Quant à la solidarité des neuf autres, elle doit beaucoup à un excès de morale, quand bien même marché et morale n'ont jamais coulé de même source.

Les vrais billets volés

Osons maintenant une expérience surprenante : Racontons nous la même histoire mais avec deux vrais billets de 100Ä ... simplement à la fin le dixième commerçant se fait voler les deux vrais billets.

Étonnant n'est-ce pas ?

Deux vrais billets volés produisent exactement les mêmes effets que deux faux billets retirés !

Le point commun est que les uns comme les autres ont été retirés.

Une monnaie virtuelle
en 2800 av JC ...
Dès 2800 av JC l'Egypte ancienne utilisait une monnaie virtuelle, une unité de valeur, un indice monétaire. Un système de troc, complété par un système de crédit permettait quasiment toutes les opérations monétaires. Lors d'un troc les termes de la transaction étaient comparés grâce à l'unité de valeur (shat, deben, seniou, etc...).
 
Le salaire d'un peintre de Deir el Médina a ainsi été payé comme suit : "Un vêtement tissé d’une valeur de 3 séniou (poids d’argent d’environ 7.6 g) ; un sac d’une valeur de ½ sac de céréales, une natte avec couverture, soit ½ séniou et un vase de bronze valant ½ séniou".

Mais un système de crédit très souple donnait encore d'autres possibilités : Tel artisan qui réalisait une maçonnerie ouvrait un crédit à son débiteur. La dette pouvait être soldée, ...ou vendue. Ainsi l'absence de monnaie physique était largement compensée par un système très sophistiqué de comptabilité très bien tenue. Localement, aucune difficulté, on voit bien comment ça pouvait fonctionner. Mais que se passait-il quand on voyageait ?

Eh bien l'administration suivait : une lettre de créance suivait le voyageur, avec éventuellement aussi une lettre de recommandation. Le système de crédit prévoyait des dispositions spéciales dites "d'hospitalité".

Chaque entreprise faisait fonction de banque, c'est pourquoi les banques n'existaient pas.

Les Egyptiens ont démontré pendant près de 1500 ans que l'absence de monnaie physique n'a en aucun cas été un obstacle au développement d'une des plus brillante et originale civilisation...

Conclusions

La monnaie fonctionne comme une clé, un robinet, un signal déclancheur qui permet à chaque transaction de transférer la propriété de richesses réelles. La même monnaie (200Ä) peut servir à une infinité de transactions, portant sur des dizaines de milliers, voire des millions d'Ä. La seule limite est son retrait de la circulation.

Ce qui fait qu'une monnaie est « fausse », c'est le fait qu'elle n'est plus acceptée dans les échanges, ou qu'elle est simplement retirée, ... et non l'inverse. Une fausse monnaie qui est indéfiniment acceptée dans les échanges EST une vraie monnaie.

En d'autres termes : en tant qu'objet ou en tant qu'écriture, une monnaie peut être « fausse », mais si elle fonctionne, et tant qu'elle fonctionne, alors en tant que monnaie elle sera « vraie ».

La monnaie n'a aucune valeur en soi, elle n'est qu'un simple outil comptable et d'échange, une unité de mesure qui permet de mesurer, de comparer, de réaliser et de comptabiliser les échanges de richesses réelles.

L'exemple des 10, puis 1000 commerçants, montre que retirer de la monnaie de la circulation fait (littéralement) « perdre de l'argent à tout le monde », d'autant plus qu'elle est rapidement retirée. Ce constat est à considérer de très près quand on sait que la monnaie que nous utilisons est mise en circulation puis retirée et détruite en flux continu par les banques. Mais cela est une autre histoire ...

Parce que cet outil est distinct des choses ou des services échangés, il permet aussi de mobiliser ou de créer des richesses considérables : Avec 200Ä en vrais ou faux billets, 1000 commerçants, artisans, agriculteurs, enseignants, etc ... peuvent mobiliser ou créer en vue d'être échangés 1000 fois 200Ä en richesses réelles. A l'extrême, s'il s'agit de 1000 artisans-producteurs, 200Ä de monnaie peuvent créer et échanger 200.000Ä de vraies richesses !

Un outil permet de fabriquer mille objets ? - La monnaie est l'outil qui permet de fabriquer mille outils ...

Il n'était pas bien inspiré notre chef gaulois ?

Avec ces quelques éléments d'exposés et de réflexions, vous avez acquis quelques notions des propriétés essentielles et surprenantes de ce très particulier outil que l'on appelle monnaie.

Il ne vous reste plus qu'à passer aux travaux pratiques : Pour ce faire nous mettons à votre disposition une monnaie d'échange local : l'Eco.

Cet article est en rédaction continue. Si vous avez des informations à me communiquer ou des inexactitudes à me signaler, n'hésitez pas à me contacter ... adresse email
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